dimanche 31 mai 2009

CHASSAY, Jean-François

p. 9 :

On a peu traité de la littérature américaine en français, dans la perspective qui m'intéresse ici. Il y a à cet égard plusieurs cliché à renverser. Par exemple que, surtout dans sa phase récente, c'est une littérature au mieux "agréable". De Stephen King à John Irving, de Michael Crichton à Gore Vidal, du roman d'horreur au roman historique en passant par le polar, elle serait intellectuellement pauvre et se cantonnerait dans des genres stylistiquement codés, aux frontières claires. Curieusement, l'affirmation selon laquelle la culture américaine serait superficielle vient souvent de ceux-là mêmes qui se piquent de la défendre. On évoque alors son primitivisme, le symbolisme ingénu des grands espaces, la simplicité du vécu qu'elle suit de près. [...] La défense du rock et de la télé devient, chez des critiques hargneux en mal de reconnaissance, une défense des États-Unis contre les intellectuels. Comme si, d'ailleurs, les intellectuels n'écoutaient pas de rock et ne regardaient pas la télé. L'opposition entre littérature française et littérature étasunienne, culture européenne et culture américaine, fait partie de ces manichéismes auxquels on a parfois du mal à s'arracher.

(Fils, lignes, réseaux : Essai sur la littérature américaine, 1999)

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